samedi 1 mai 2010

Nous sommes… écrivains (2)

Déjà 4 mois de complétés, un cycle donc, une révolution du blogue sur lui-même à l’intérieur du cyberespace. Eh oui ! nous avons déjà fait le tour de nos états d’artistes et nous sommes de retour avec celui de l’écriture. Ce prochain cycle se fera sous un seul et même thème: champignon. Ceux qui nous connaissent savent que la belle saison arrivée, on s’excite à courir les sous-bois à la recherche de nos spécimens préférés… Nous avons donc décidé de multiplier notre plaisir en le transportant avec nous sur la toile.

Avant de vous présenter nos textes, nous nous devons de faire un petit retour sur l’activité précédente. Voilà ! C’est la photo 1923 de Jean-Benoît qui a remporté votre faveur avec 6 votes sur 13, une très belle photo!

Aussi, le mois passé, nous vous avions invités à répertorier les doubles-sens que nous avions glissés dans notre message. Bien que nous ayons été fort peu subtils, il semblerait que vous n’ayez pas compris… Deux personnes se sont attaquées aux photos et ont découvert le lien entre le titre 1923 de la photo gagnante et son contenu et l’arc-en-ciel caché dans l’autre photo en portant le titre. Bien ! Mais nous avions aussi pris soin de jouer avec les mots du message. Outre la grossière métaphore trop souvent utilisée mitrailler dans le sens de prendre des photos à répétition, accompagnée de armés (de l’appareil en question), vous auriez pu découvrir cliqué (comprendre vs utiliser une souris d’ordinateur) et palme (remporter la palme: gagner vs sucre de palme).

À votre question silencieuse nous répondons: oui, ça se passe toujours comme ça dans notre tête. Vous le constaterez encore une fois en lisant nos textes. C’est parti…

 

Problème à l’interne

Par Christine Turgeon

C’est assise sur la toilette, une boîte de Canesten en main, que le déclic s’est fait dans ma tête. J’allais introduire le tube de crème antifongique au moment où j’ai fait le rapprochement : vaginite, champignon, fongicide, parasite… Christophe.

Il y a trois mois, j’ai fait une rencontre catastrophique. À tous les niveaux. Un cyclone nommé Christophe. Il est entré dans ma vie de plein fouet, un soir, au bar. Trente ans, enseignant nouvellement embauché par le cégep, beau, grand, les épaules droites, la mâchoire carrée, le sourire en coin, l’œil pétillant. J’ai accepté son verre, puis son lit. Une nuit mouvementée, un réveil brutal. Il était parti. Sur l’oreiller, un mot accompagnait une petite boîte en carton blanc : « J’ai acheté ceux-là hier. Je te les donne. J’irai m’en chercher d’autres aujourd’hui. Merci pour cette nuit. Christophe. » Sur la boîte, une étiquette portant son nom, Christophe Janvier, et l’inscription traitement contre la chlamydia. Pour la première fois de ma vie, j’ai vraiment eu envie de tuer. J’ai pris une douche, les comprimés et je suis partie en emportant quelques cd en guise de dédommagement.

J’ai fait le traitement et se sont ensuivies des vaginites à répétition. Ça me fait toujours ça, les antibiotiques. Jusque là, j’étais prête à assumer. Mais Christophe s’est avéré être un vrai parasite. Il a d’abord porté plainte pour le vol de cd. Puis a commencé à me harceler au travail, à la maison, partout. J’imagine qu’il a fouillé mon sac à main avant de m’abandonner à ma chlamydia ce matin-là, car je ne vois pas comment il aurait eu mes coordonnées sinon. Il reste qu’il s’est immiscé partout dans ma vie, allant même jusqu’à intégrer mon réseau social et pirater mon ordinateur.

C’est donc les fesses à l’air et le vagin en feu que j’ai finalement fait le rapprochement entre Christophe et mon infection à levures : des parasites. Et comment se débarrasse-t-on d’un champignon parasite? Avec du fongicide.

J’ai mis une culotte de coton et enfilé une jupe. Quand je suis sortie, j’ai entendu la porte claquer derrière moi. Au rayon des produits naturels, j’ai choisi le plus gros contenant de probiotiques. J’ai accompagné le tout d’une bouteille d’eau et ai immédiatement avalé deux comprimés. De retour à la maison, j’ai réfléchi à mon plan.

J’ai lancé l’ordinateur pour faire une petite recherche. J’ai déniché une recette de fongicide maison : 4 litres d’eau, 1 cuillère à table de bicarbonate de soude, 2 cuillères à table de savon à vaisselle. J’aurais beau m’en faire un gros vaporisateur, je ne viendrais pas à bout de Christophe ainsi. Toutefois, le principe m’a semblé clair : arroser de quelques actions bien ciblées diluées dans le temps.

Ma première action a été de téléphoner de façon anonyme à la patronne de Christophe pour l’avertir que celui-ci avait souffert d’une chlamydia : « Il pourra sûrement vous fournir les antibiotiques, c’est ce qu’il a fait pour moi. Vous devriez en glisser un mot à Émilie aussi, elle aimerait peut-être savoir… » Émilie, seize ans, est la jeune étudiante qu’ils ont embauchée pour classer des papiers cet été.

J’ai laissé passer un mois. À voir le regard inquisiteur de Christophe quand je le rencontrais, il était clair que mes sous-entendus avaient eu quelques répercussions. Et il avait compris que j’en étais à l’origine. Bien. Alors, je suis passée à la deuxième étape. Une journée, en fin d’après-midi, je me suis arrêtée au bureau de Christophe pour l’inviter au spectacle d’une amie. J’ai attendu que sa patronne soit à portée de voix pour ajouter : « Si tu souhaites inviter Émilie aussi, elle est la bienvenue. » Il ne s’est jamais pointé à la soirée. Il ne s’est plus jamais pointé nulle part d’ailleurs.

Je ne sais pas s’il a été viré ou s’il a simplement donné sa démission à la fin de la session, mais je n’en ai plus jamais entendu parler. Il s’est littéralement évaporé : sa page facebook a été fermée, son adresse courriel mystérieusement effacée de mes contacts… Va, crapule !

Au fait, j’ai eu l’occasion de parler avec Émilie. On s’est croisées à la pharmacie. Elle avait une boîte de Monistat en main. Je lui ai conseillé Canesten.

 

Les champions

Par Jean-Benoît Fortin

La cinquième dimension existe. Omniprésente, quelquefois latente, cachée sous sa couette, endormie, reprenant des forces, préparant à nouveau une guerre froide torride, au-delà de notre chapeau, à notre insu, sous nos pieds. On ne la prend jamais au premier degré, ni au second d’ailleurs. Que ce soit la cinquième dimension ou la guerre qu’elle apporte. On la guette, l’attend, intéressés, sans trop lui donner sens mais, elle, préfère observer ce qu’elle engendre, cette bataille d’élite, de titans, que dis-je, de champions. La température, réveillée par le printemps, si ce n’est l’inverse, stimule l’instinct indigène de toutes espèces, barbares ou nobles.

D’ailleurs, elle est revenue depuis peu, annonçant à nouveau l’épique conquête des sous-bois par les combattants de l’ombre, ignorés par tant, partout, occupés, eux, à chercher un ixième degré supplémentaire à cette dimension tempérée.

Perché, je les ai toutes vues, ces guerres sporadiques, tempérales, sempiternelles. Je survis car je l’évite en restant là, appuyé sur ma béquille, inconscriptible. Elle ne peut m’enrôler, mais je ne suis pas inutile pour autant. Je digère. Informations, situations, cellulose. Tel est mon rôle dans toute cette histoire. Je digère pour rendre accessible au prochain. Et il semblerait que ce soit vous, cette fois, étrange n’est-ce pas?

La guerre commence toujours de la même manière. Il y a le génie du combat, le cerveau des opérations, qui agit en premier. Il sait qu’il est plus facile de conquérir l’espace s’il est inoccupé. Une armée éclair, blonde ou brune, apparait en premier, milite en prenant la première place. Il a cependant un ennemi, un rival, espion. Un copieur. Flasque mime dont l’essence se résume à carburer sur les idées des autres, à les imiter. Il n’a pas grand-chose dans la cervelle si ce n’est qu’il dégage une aura plutôt dangereuse. Ces deux se font la guerre philosophique, s’entêtant à savoir qui des deux étaient là en premier. Et alors qu’ils se prennent la tête, ils laissent le champ libre à l’apparition des autres.

Ceux-là, on les entend arriver de loin. Des sirènes qui fredonnent tantôt des hydnes à l’amour, accompagné de leurs choristes chanterelles. Elles charment pour mieux se reproduire. Des succubes qui ciblent les satyres afin de faciliter leur dominance par surnombre. Elles leur font la courbe ombilicale, dansent habillées de leur jupe en plis et replis, ondulantes séductrices. Il va sans dire que ces racoleuses charnelles doivent fournir maints efforts pour se reproduire. Du vrai sport. Pour elles, l’amour est un vrai chant de bataille.

Pendant que celles-ci se prélassent dans la luxure, un autre champion tente de régner par la force du dogme, de la règle éthique stricte et ferme. On sait qu’il prépare son réseau avant d’entrer en action. Il se cache sous terre jusqu’au moment opportun. On le sait hypocrite, sournois. Alors que tout semble être sous l’emprise du chaos, il revêt sa mitre orange et proclame haut et fort son autorité. Il a eu des prédécesseurs, quinze au total. Seizième de sa lignée, le plus fort, enraciné au plus profond de ses croyances. Hypomy Seize. Voilà comment il se fait appeler.

C’est un groupe de jeunes rebelles, trainants où personne d’autre n’oserait aller, qui l’ont surnommé ainsi. Ils manifestent entre coprins, glacials gothiques échevelés, pleurant des larmes d’encre à la vue de tant de violence, insupportables, qui leur permet d’ailleurs d’être les derniers à aspirer gagner la conquête, laissant un froid cryogénique planer sur le champ de bataille.

D’ailleurs, ils sont probablement la raison qui explique la perte d’intérêt de la température. Ennuyée, elle repart, baillant, accompagnée de ses précieux degrés, mettant un terme au combat, le temps d’une sieste, le temps d’une saison. Elle laisse quelques rares individus en place, comme moi, oublié sur un tronc, ou toi, bien logé entre les plis et replis d’une femme.

Mais mieux vaut conserver le secret de notre emplacement, n’est-ce pas?

2 commentaires:

  1. Rien ne bat une bonne vieille histoire de vaginite. C'était gagné d'avance pour moi !

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  2. Merci Vicky pour ce beau témoignage! lol =)

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